L’eau cristalline m’accueille à bras ouverts, réveille mes sens encore engourdis par la nuit. La fraîcheur de l’eau hérisse mes poils l’espace d’un instant. Puis ma chair s’acclimate. Mon attention est tout entière, je suis là.
Mon corps tout entier se laisse fondre, comme avalé par ce nouvel élément.
Mon poids n’existe plus. Libéré de la gravité, il n’y a plus à marcher, plus à porter ou même à penser. Juste à se laisser flotter, à se laisser porter par ce doux courant. Je ne bouge pratiquement plus, et pourtant je suis le mouvement. Tel un bateau qui aurait perdu son ancre, je me laisse dériver lentement au-dessus du corail… Le monde en surface a comme disparu. Le seul bruit que j’entends est celui de ma respiration. L’air que j’inspire puis expire lentement grâce au tuba, ce formidable outil qui pourrait presque me donner l’illusion que je fais partie intégrante de ce monde sous-marin. Je sais que je n’y suis qu’une invitée et pourtant rien ne me différencie d’un cétacé respirant à la surface.
Je veille à ce que mes gestes soient fluides, à ne rien toucher, ne rien heurter. J’oublie tout, je ne suis que contemplation. Entre deux bancs de sable blanc, un récif de corail abrite quantité de poissons multicolores, de toutes tailles, de toutes formes…
Un banc de minuscules poissons bleu ciel picore dans ce fabuleux garde-manger rouge et blanc.
Une murène, blottie sous le récif, sort sa tête à mon passage, m’observe de ses deux yeux ronds, entrouvre la bouche et me montre ses petites dents, prête à mordre pour défendre son territoire. Je passe mon chemin.
Deux copains affamés fouillent le sable à l’aide de leur langue qu’ils déploient telle une fourchette.
Un “poisson ballon” noir tacheté de pois blancs semble tout droit sorti d’un dessin animé tant sa forme ronde est singulière, semblable à un ballon d’anniversaire prêt à se dégonfler.
Un autre, d’allure filiforme et surnommé le poisson-trompette, reste immobile un long moment entre deux récifs. Il semble accepter ma présence, je reste plusieurs minutes au-dessus de lui, nous partageons ces instants suspendus.
Couleur arc-en-ciel dont les reflets varient au gré de la lumière qui transperce la surface.
Couleur jaune fluo striée de bandes noires, le corps aplatit et la bouche en cœur comme s’il faisait un bisou et embrassait l’océan.
Je suis comme une enfant qui fait ses premiers pas et découvre le monde pour la première fois. Émerveillée devant ce spectacle saisissant, devant ce foisonnement de vie si riche et si fragile à la fois.